Le Château du Breuil se tourne vers l’avenir
Près de 40 000 visiteurs par an : Roberto Montesano expose sa vision du Château du Breuil et du spiritourisme.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit au Château du Breuil ?
Après une carrière dans les nouvelles technologies à Paris, j’ai ressenti le besoin de revenir vers quelque chose de plus concret et visuel. Comme beaucoup de franciliens, je suis tombé amoureux de la Normandie. D’abord surpris par ses paysages vallonnés, j’ai découvert sa gastronomie, son patrimoine et ses écosystèmes. Le Château du Breuil a représenté une opportunité unique de vivre cette passion.
Quelle est l’histoire du Château et que représente-t-il pour vous ?
Le Château du Breuil est une demeure du XVIᵉ siècle située au Breuil-en-Auge (Calvados) et inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques. Le domaine a connu plusieurs vies : au début du XIXᵉ siècle s’y installe une fromagerie, remplacée ensuite par une chocolaterie jusqu’en 1946. Puis, la société Saffrey y implante une cidrerie qui sera transformée en distillerie de Calvados par Philippe Bizouart, en 1954.
Aujourd’hui, le domaine produit des Calvados, mais également d’autres spiritueux sous la bannière de La Spiriterie Française.
Pour ma part, j’habite dans ce château et c’est assez particulier : on ne se sent pas pleinement chez soi dans un lieu chargé d’histoire comme celui-ci. Il y avait des hommes avant moi et il y en aura après : je me vois plutôt comme un passager, chargé de transmettre ce patrimoine et de préparer le terrain pour mes successeurs.


Quelle est la singularité des Calvados Château du Breuil ?
Tout commence au verger : la santé des pommiers et l’équilibre de l’écosystème sont essentiels pour nos Calvados Pays d’Auge. Nous élevons nos propres abeilles dont la pollinisation joue un rôle primordial dans la production de nos pommes à cidre. Ensuite, nous faisons des “coupes” très rigoureuses lors de la distillation afin de garantir une qualité irréprochable.
Il y a aussi le format de notre bouteille qui est unique et profondément lié à l’histoire du Château du Breuil. À l’origine, un château est un lieu de défense : il existait donc une cloche qui servait à prévenir d’un éventuel danger. Notre bouteille reprend la forme de cette fameuse cloche, un clin d’œil au passé.
Quelles sont les expériences proposées aux visiteurs, et à quel public s’adressent-elles ?
Nous accueillons environ 40 000 visiteurs par an, ce qui nous pousse à proposer des activités variées : visites guidées, dégustations, ateliers de création de cocktails ou d’assemblage, et séminaires. Depuis deux ans, nous avons aussi lancé des happy hours d’été qui rencontrent un vrai succès, avec environ 200 personnes par soir d’ouverture. Nous envisageons de prolonger le concept en hiver grâce à un espace abrité.
Les visites avec dégustation séduisent plutôt un public de plus de 50 ans, venu du monde entier. En revanche, nos ateliers cocktails et nos happy hours permettent d’attirer davantage les 30–40 ans : beaucoup sont des locaux qui viennent entre amis ou en famille, les enfants jouent dans le parc pendant que les parents dégustent un cocktail au Calvados. C’est une réelle satisfaction car ces moments permettent aussi aux habitants de se réapproprier le Château. Le Calvados redevient ainsi un produit vivant, ancré dans son terroir et dans les usages.



Comment voyez-vous l’avenir du Calvados, notamment à travers le tourisme ?
Mon plus grand souhait est que l’on soit transporté dans un imaginaire normand lorsqu’on consomme du Calvados : la gastronomie, les paysages vallonnés, le monde équestre, les plages… tout ce qui fait la région. On peut faire un parallèle simple avec d’autres alcools identitaires comme le pastis qui nous fait voyager à Marseille ou le spritz qui nous amène sur une terrasse italienne. Le Calvados doit lui aussi inspirer cette expérience liée à son territoire.
Le spiritourisme est une vraie opportunité pour redonner fierté et visibilité au produit. Accueillir, raconter l’histoire d’une cuvée et transmettre une émotion : telle est notre mission, en France mais aussi dans plus de 65 pays.
Finalement, cet enjeu repose sur une condition simple : produire des Calvados de qualité. La communication et le digital sont des leviers que nous devons renforcer collectivement, pour porter ce récit émotionnel, sans jamais laisser de côté la qualité de nos eaux-de-vie.
Avez-vous un cocktail favori ?
Je suis de cette génération qui préfère déguster le Calvados sec, à température ambiante, pour sentir toute sa complexité aromatique. Mais si je devais retenir un seul cocktail, ce serait l’Apple Mojito, car c’est celui qui m’évoque le plus cet imaginaire normand.
