Christian Drouin : le juste équilibre entre tradition et innovation
Rencontre avec Guillaume Drouin à la tête de l’entreprise depuis 10 ans.
La maison Christian Drouin a une histoire riche. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Notre domaine a été fondée dans les années 1960 par mon grand-père, après l’acquisition d’une ferme à Gonneville-sur-Honfleur. Il a commencé à distiller et à faire vieillir du Calvados sans le commercialiser, créant ainsi un stock important. Dans les années 1980, mon père a repris l’affaire en se tournant vers l’exportation. Aujourd’hui, nous sommes présents dans 65 pays et comptons parmi nos clients de grands hôtels et restaurants étoilés. Quant à moi, après des expériences dans le vin en France et le rhum en Haïti, j’ai rejoint la maison en 2004 et la dirige depuis 2014.
Qu’est-ce qui distingue votre maison des autres producteurs de Calvados ?
Nous visons l’excellence, comme en témoignent les nombreuses médailles obtenues depuis trois générations. L’une de nos spécificités est notre collection de millésimes, qui couvre presque toutes les années depuis 1961.
L’innovation fait aussi partie de notre ADN. Dans les années 1980, mon père a lancé la « pomme prisonnière », une bouteille avec une pomme entière à l’intérieur, et en 2003, nous avons créé la « Blanche », un Calvados non vieilli. Plus récemment, nous avons développé une gamme expérimentale de « finishes », où nos Calvados vieillissent dans des fûts ayant contenu whisky, rhum ou tequila, en partenariat avec d’autres grandes maisons.
Enfin, notre philosophie de production repose sur des choix forts comme l’utilisation de petits fûts plutôt que des foudres, pour le vieillissement, qui favorisent les échanges avec le bois, ou la préservation des vergers en « hautes tiges », typiques du Pays d’Auge. Nous travaillons avec une cinquantaine de variétés de pommes à cidre qui ont toutes leur propre profil, mais certaines, comme la Mettais et la Domaine, plus tanniques, sont essentielles pour nos cidres et notre Pommeau de Normandie.
Reprendre le domaine familial était-il une évidence pour vous ?
Pas du tout ! Mon grand-père m’a transmis sa passion pour le vin, et à 15 ans, j’ai décidé de devenir œnologue. Mais j’avais besoin de me construire en dehors de l’univers cidricole. Mes expériences, notamment en Haïti dans une rhumerie, m’ont fait découvrir la complexité du vieillissement des spiritueux. J’ai alors réalisé que le Calvados offrait un formidable terrain de jeu.
Comment voyez-vous l’avenir du Calvados et de votre maison ?
Le Calvados a tous les atouts pour séduire davantage : une histoire, une richesse aromatique, un mode de production durable et un fort ancrage local. Mais pour exploiter pleinement ce potentiel, il faut intensifier nos efforts de communication. Quant à notre maison, elle continuera à s’appuyer sur l’excellence et l’innovation, toujours en cohérence avec notre identité.
Un souvenir de dégustation marquant ?
Mon père m’a raconté qu’à trois ans, il m’a surpris en train de goûter le Calvados fraîchement sorti de l’alambic ambulant dans la cour. Ce n’est pas à reproduire chez soi, mais il paraît que j’avais déjà validé la qualité des produits !
Et votre cocktail préféré ?
Un cordial de cidre du Pays d’Auge avec du Calvados VS et un zeste de citron. Simple et délicieux. Sinon, j’aime beaucoup les cocktails de type « sour » pour leur équilibre entre douceur, acidité et puissance. Ajouter une touche de Bénédictine leur donne un parfum local irrésistible.