Actualités du Calvados

Quand le bois révèle les Ambres

Kristen Paravisini, maître de chai à la Distillerie des Ambres, nous parle de son métier et de la philosophie "Ambres".

Pouvez-vous vous présenter ainsi que la Distillerie des Ambres ?

Ingé­nieur agro­nome de for­ma­tion, j’ai tra­vaillé comme sai­son­nier chez Calvados Huet et je suis rapi­de­ment tombé amou­reux du pro­duit. J’ai appris le métier de maître de chai sur le ter­rain, com­plé­té par dif­fé­rentes for­ma­tions. J’é­tais éga­le­ment proche d’un membre de la famille Schlum­ber­ger Primat, des­cen­dant de Fran­çoise Primat qui pro­dui­sait déjà du Calvados depuis les années 1950 au Manoir des Ambres. Sous l’im­pul­sion de Jus­tine Primat, nous avons donc relan­cé la dis­til­le­rie avec un nouvel alam­bic à repasse, des chais et une cuve­rie pour être auto­nome sur nos 150 tonnes de pommes. La com­mer­cia­li­sa­tion n’a com­men­cé qu’en 2022 mais elle s’ap­puie sur un stock fami­lial de plus de 50 ans.

Avez-vous une ou plusieurs variétés de pommes à cidre favorites ?

Alors je ne crois pas qu’on puisse parler de tra­vail à la varié­té pour le Calvados mais plutôt de tra­vail en groupes de varié­tés. C’est dif­fé­rent pour le cidre et le Pom­meau de Nor­man­die où les arômes du fruit sont plus direc­te­ment per­cep­tibles. Cela dit, on a un vrai coup de cœur pour une varié­té locale non réper­to­riée, qu’on appelle Belloy des Ambres, et qu’on a conser­vée lors des replan­ta­tions. Cepen­dant, nous (les pro­duc­teurs) uti­li­sons beau­coup les pommes aci­du­lées car elles per­mettent de faire bais­ser natu­rel­le­ment le pH, ce qui limite le déve­lop­pe­ment de bac­té­ries indé­si­rables lors de la fermentation.

Faut-il nécessairement un bon cidre pour obtenir un bon Calvados ?

Fata­le­ment oui ! Tout com­mence au verger avec des pommes saines et bien conser­vées. Si les pom­miers sont malades ou les pommes mal sto­ckées, le cidre sera dés­équi­li­bré, avec plus d’acidité vola­tile par exemple. La fer­men­ta­tion est ensuite une étape-clé : c’est là que naissent les arômes que la dis­til­la­tion vient concen­trer. Mais malgré un bon alam­bic et dif­fé­rents ajus­te­ments, on ne peut pas trans­for­mer un mau­vais cidre en grand Calvados.

À la Dis­til­le­rie des Ambres, notre style s’est construit autour d’un tra­vail précis à chaque étape. Les pommes sont récol­tées par varié­té en palox, pour maî­tri­ser la matu­ri­té et la qua­li­té sani­taire. La fer­men­ta­tion se fait en cuve­rie inox qui est plus souple qu’en ton­neau. Notre alam­bic à repasse est équipé d’un auto­mate de chauffe, pour un contrôle fin des coupes. Côté vieillis­se­ment, l’équipe expé­ri­mente dif­fé­rents types de fûts pour que nos eaux-de-vie soient en accord avec notre philosophie.

Quels types de fûts utilisez-vous et comment assurez-vous une constance dans le profil des cuvées ?

On uti­lise sur­tout des fûts de réem­ploi (Pineau, Cognac, Calvados) et moins de 10 % de bois neuf qui est très mar­quant. Le marché de la ton­nel­le­rie est assez tendu, donc on achète au gré des oppor­tu­ni­tés, en veillant notam­ment au taux de soufre qui est un anti­oxy­dant et un anti­sep­tique mais dont l’ex­cès altère le goût du Calvados.
Il existe aussi la méthode de Valéry Des­frieches, qui recon­di­tionne des ton­neaux usagés pour obte­nir un bois encore actif mais équi­li­bré. Étant donné la varié­té des pro­fils de fûts, nous fai­sons des assem­blages qui nous per­mettent de lisser les écarts et de construire un style maison.

Pouvez-vous expliquer ce qu’est l’assemblage ?

Un assem­blage, ça com­mence sur le papier : j’ouvre mon inven­taire, je sélec­tionne trois ou quatre comptes d’âge (4, 5 ou 6 ans pour Ambre n°1) et par­fois une petite quan­ti­té d’un lot plus âgé, car ça peut vrai­ment trans­for­mer un assem­blage. Mais il faut aussi tenir compte de l’as­pect économique.

Ensuite, direc­tion la cave : je pré­lève et je déguste (cou­leur, nez, tex­ture). Une fois que j’ai ma base, je fais de nom­breuses pauses car le palais est un peu « grillé » au bout d’une heure. Un assem­blage peut donc durer plu­sieurs semaines.

Fina­le­ment, chaque fût a son his­toire et un impact dif­fé­rent en fonc­tion de son par­cours… il n’y a pas de recette figée, l’objectif est de viser notre style maison. Tout cela repose sur un suivi rigou­reux du vieillis­se­ment. À chaque pas­sage en cave, j’observe, je goûte et je note dans mon carnet : évo­lu­tion des arômes, du boisé, des tanins… cela me permet de réagir si un lot évolue trop vite.

Kris­ten Paravisini 
Alam­bic à repasse – Dis­til­le­rie des Ambres 
Jus­tine Primat 

Quelles sont les clés pour développer la consommation du Calvados ?

Je crois que notre géné­ra­tion doit ravi­ver la fierté nor­mande autour des alcools cidri­coles avec la valo­ri­sa­tion du ter­roir et la pour­suite de la moder­ni­sa­tion de l’image.
Côté dégus­ta­tion, il faut sur­tout décom­plexer les usages : verre glacé ou glaçon, zeste de citron, cock­tail… faites ce que vous voulez fina­le­ment, il n’y a pas de règle. L’important, c’est d’ouvrir le Calvados à dif­fé­rents moments de consom­ma­tion sans trahir son identité.

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